Salah Eddine Taleb, Gouverneur de la Banque d’Algérie, a révélé cette feuille de route ambitieuse lors d’un entretien accordé à l’APS, en marge des assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale à Washington.
Selon lui, cette mutation ne relève pas du slogan, mais d’une stratégie nationale structurée, intégrée à la nouvelle loi monétaire et bancaire adoptée en 2023.
Une réforme d’ampleur nationale
Cette loi marque un tournant décisif : elle abroge l’ordonnance de 2003 et ouvre le système financier à de nouveaux acteurs jusque-là absents en Algérie (banques digitales, banques islamiques, banques d’affaires et prestataires de services de paiement (PSP)).
Un Comité national des paiements (CNP), présidé par le Gouverneur, coordonne cette transition. Il réunit des institutions clés comme Algérie Poste, la Sûreté nationale, la Gendarmerie et l’Association des banques (ABEF). Ensemble, ils tracent la route vers des transactions 100 % dématérialisées.
Une économie sans argent liquide
L’objectif est clair : éliminer progressivement les paiements en espèces dans tous les secteurs, afin de renforcer la traçabilité et d’assainir les circuits économiques.
Cette mesure intervient dans un pays où l’économie informelle représente entre 50 et 60 milliards de dollars, et où le cash domine encore la majorité des transactions commerciales, agricoles et de distribution.
Pour accélérer cette digitalisation, la Banque d’Algérie a déjà promulgué plusieurs textes réglementaires encadrant :
les conditions d’exercice des prestataires de services de paiement (PSP),
la création des banques digitales,
et même l’introduction d’une monnaie numérique de banque centrale (MNBC).
Une lutte renforcée contre le blanchiment d’argent
En parallèle, la Banque d’Algérie renforce ses dispositifs de contrôle et de conformité.
Le pays est actuellement sous surveillance renforcée du GAFI (Groupe d’action financière), mais selon M. Taleb, les progrès réalisés en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ont été salués par les experts du Joint Group, augurant une sortie prochaine de la liste grise.
Des comités nationaux de coordination et d’évaluation suivent de près la mise en œuvre du plan d’action, en multipliant les formations et audits auprès des institutions financières.
Stabilité et modernisation du secteur
Le Gouverneur se veut rassurant : le système bancaire algérien reste solide, résilient et strictement encadré.
Grâce à des règles prudentielles en matière de contrôle interne et de supervision, la Banque d’Algérie a su protéger le secteur des crises récentes, tout en ouvrant la voie à une transformation durable.
Une révolution au-delà du numérique
L’enjeu dépasse la simple digitalisation : il s’agit d’une évolution culturelle et économique.
À travers cette réforme, les autorités veulent changer les mentalités financières et favoriser la bancarisation des citoyens.
D’ici 2028, le pays devrait franchir une étape historique : passer d’une économie cash à une économie numérique, transparente et inclusive.